[fessenheim-tn] Deux articles dans le journal Le Monde de samedi 15 octobre

Philippe Philippe
Mo Okt 17 15:54:26 CEST 2005


Le Monde - Samedi 15 octobre 2005 - Point de vue -
 
AIEA : un prix Nobel de la paix indécent
 
par Jean-Marie Brom et Stéphane Lhomme.

Jean-Marie Brom est chercheur en physique nucléaire au CNRS.
Stéphane Lhomme est porte-parole du Réseau “Sortir du nucléaire”.
 
Selon ses statuts, adoptés en 1957, l'Agence internationale de l'énergie
atomique (AIEA) "a pour but d'accélérer et d'élargir la contribution de
l'énergie atomique à la paix, la santé et la prospérité à travers le monde"..
L'AIEA est donc une instance qui agit pour la prolifération nucléaire, et
non contre. 

Chaque pays disposant aujourd'hui de l'arme atomique la doit au fait qu'il
possède également un ou plusieurs réacteurs nucléaires dits "civils". Par
ailleurs, les réacteurs nucléaires actuels (projet EPR - European
Pressurized WaterReactor, réacteur nucléaire à eau pressurisée européen -
compris) sont les héritiers directs des piles atomiques de Hanford
(Etats-Unis), dont la seule utilité était de produire le plutonium
nécessaire à la bombe de 1945.

De fait, si les antinucléaires, et bien des pacifistes, protestent
aujourd'hui contre l'attribution du prix Nobel de la paix à l'AIEA, ce n'est
pas seulement parce que cette agence agit en faveur de l'industrie nucléaire
dite "civile", mais du fait qu'elle porte une grande part de responsabilité
dans la prolifération nucléaire à des fins militaires.

La mission première de l'AIEA est, hélas, de promouvoir l'industrie
nucléaire sur la planète, et son discours aux gouvernements d'un certain
nombre de pays est celui-ci : "Nous allons vous aider à développer une
industrie nucléaire, mais vous devez promettre de ne pas en profiter pour
faire des bombes atomiques."

Officiellement, seuls cinq pays ­- les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la
Grande-Bretagne et la France ­ - se sont arrogé le droit de posséder des
armes nucléaires. Ce privilège est considéré comme inacceptable par beaucoup
de pays d'autant que, c'est un secret de Polichinelle, l'Inde, le Pakistan
et Israël ont de leur propre initiative rejoint le "club de la bombe". Ce
pourrait être bientôt, si ce n'est déjà fait, le cas de l'Iran, de la Corée
du Nord, et certainement d'autres pays, comme le Brésil.

A chaque essai nucléaire, preuve de la possibilité de détourner à des fins
militaires l'énergie nucléaire dite pacifique, c'est par son silence que le
nouveau Prix Nobel de la paix a salué la démonstration de son inefficacité.
De même a-t-il fallu des mois pour que, dans un Irak pourtant dévasté par la
première guerre du Golfe et le blocus économique, les inspecteurs de l'AIEA
puissent estimer que le dictateur Saddam Hussein n'était pas parvenu à
mettre au point des armes nucléaires. On comprend alors que la vérité est
pratiquement impossible à établir pour des pays en bien meilleur état que
l'Irak.

Mohamed ElBaradei a certes pris position contre l'invasion de l'Irak par les
Etats-Unis, mais ce n'était en rien un engagement pacifiste : il s'agissait
de promouvoir l'AIEA, dont il est le directeur général, dans un contexte
aussi rare que favorable puisqu'il lui suffisait... de ne rien trouver.

Il serait autrement plus probant, de la part de l'AIEA, de mettre au jour
l'utilisation à des fins militaires du plutonium issu de centrales
"civiles". Or, malgré de nombreuses inspections menées dans les pays a
priori suspects, l'AIEA est toujours rentrée bredouille.

En prétendant indûment être en capacité d'empêcher la prolifération
nucléaire à des fins militaires, l'AIEA abuse l'opinion publique et laisse
l'humanité s'enfoncer vers l'irréparable. Et en aidant des pays à développer
une industrie nucléaire, l'AIEA est un pompier pyromane qui aggrave le
risque qu'elle est, par ailleurs, incapable de contrôler.
A cela, il faut ajouter que l'AIEA s'est souvent signalée en cachant la
vérité sur le nucléaire et ses effets. Ce fut ainsi le cas, le 6 septembre,
lorsque fut publié le scandaleux rapport qui minimise considérablement les
conséquences réelles de la catastrophe de Tchernobyl (Le Monde du 7
septembre).

D'ailleurs, en vertu d'un texte de 1959, hélas toujours en vigueur, l'AIEA
interdit carrément à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de s'exprimer
sans son accord sur les conséquences sanitaires du nucléaire, qu'il s'agisse
d'Hiroshima, de Nagasaki, de Tchernobyl ou de toute autre affaire atomique.
On voit bien par là que l'AIEA, loin de participer au bonheur du genre
humain ou même de tendre vers une humanité pacifiée, a d'abord pour objectif
de contribuer efficacement à la prospérité d'une industrie qui a commencé
son règne sur les décombres d'Hiroshima et de Nagasaki.

Le prix Nobel de la paix est censé récompenser une activité favorable à "la
défense des droits de l'homme, la médiation dans les conflits
internationaux, le contrôle des arsenaux et le désarmement" (déclaration du
comité norvégien du prix Nobel). A travers l'activité passée et présente de
l'AIEA, on pourra vainement chercher la justification de la présence de
cette agence aux côtés de figures telles que Martin Luther King, Mère Teresa
ou René Cassin - lauréats du prix Nobel de la paix respectivement en 1964,
1979 et 1968.

Il y a déjà eu, par le passé, des controverses sur l'issue du prix. Mais
jamais celui-ci n'avait été attribué à un organisme dont l'action ou les
buts ne correspondent pas même aux critères d'attribution. Le comité Nobel
avait pourtant la possibilité de récompenser des gens qui agissent
réellement pour la paix : à l'occasion du 60e anniversaire d'Hiroshima et de
Nagasaki, des survivants de ces bombardements auraient fait de dignes
lauréats. C'est aussi le cas des millions de citoyens qui ont manifesté de
par le monde contre la guerre en Irak.

Le Monde - Samedi 15 octobre 2005 - Hervé Kempf
 
Les écologistes se retirent du débat public sur l'EPR

Un débat public a-t-il un sens quand plusieurs des principaux interlocuteurs
quittent la table ? La question se pose à propos des débats relatifs au
réacteur nucléaire EPR et aux déchets radioactifs. Jeudi 13 octobre, six
associations ­ Amis de la terre, Agir pour l'environnement, France nature
environnement, Réseau action climat, Greenpeace et le WWF ­ ont en effet
annoncé qu'elles n'y participeraient plus.
Cette décision fait suite à une lettre du ministre délégué à l'industrie,
François Loos, adressée le 12 octobre à la commission nationale de débat
public (CNDP), et confirmant que certaines informations ne pourraient pas
être discutées en public. "La réponse du gouvernement enterre tout espoir
d'un débat sur les risques liés au nucléaire dans notre pays", écrivent les
associations, pour qui "c'est une décision grave qui nous rappelle que
nucléaire et démocratie ne sont toujours pas compatibles au XXIe siècle" .
Au cabinet du ministère de l'industrie, on estime "dommage" que les
associations se retirent, jugeant : "Elles sont toujours dans un état
d'esprit de confrontation, pas de concertation."
 
La polémique est née de l'application d'un arrêté pris en 2003 appliquant le
"secret défense" aux informations relatives aux matières nucléaires (Le
Monde du 3 septembre 2003). Dans la préparation du débat public sur l'EPR
lancé en décembre 2004, le réseau Sortir du nucléaire a demandé à mentionner
dans les "cahiers d'acteurs" un document technique d'EDF relatif à la
résistance de l'EPR à la chute d'un avion de ligne. Dans ce document, EDF
écrit que "les hypothèses relatives à l'impact doivent assurer une
couverture "raisonnable" du risque et ne peuvent prétendre envelopper toutes
les éventualités". A la demande du haut fonctionnaire de défense du
ministère de l'industrie, la CNDP a alors décidé, le 13 septembre, de
supprimer "six lignes de la contribution" du Réseau évoquant le document
d'EDF (Le Monde du 15 septembre).

Les associations ont alors menacé de se retirer du débat. La CNDP a engagé
une discussion avec le gouvernement, afin d'examiner s'il serait possible de
faire intervenir des contre-experts, sous condition de confidentialité, pour
étudier la résistance de l'EPR.

C'est donc cette possibilité qui a été refusée par le ministre de
l'industrie. Celui-ci écrit qu'"il ne paraît pas possible au gouvernement
d'organiser une contre-expertise complémentaire qui examinerait des
documents "secret défense"", estimant qu'"il ne serait pas raisonnable de
détailler plus avant les menaces prises en compte, leurs effets potentiels,
ni les moyens mis en place pour les prévenir : ce serait en effet de nature
à faciliter, voire à susciter l'exécution d'actes de terrorisme" ...

Dans leur réponse, les associations énoncent les "sujets" dont on ne peut
pas débattre : l'EPR a-t-il été conçu pour résister à un attentat du type
11-Septembre ? Le plutonium extrait par le groupe nucléaire Areva des
combustibles irradiés peut-il servir à fabriquer des bombes atomiques ? Les
transports de plutonium en France pourraient-ils résister à une attaque
terroriste ?


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