[Valais-info] FW: L'agence française de développement sert les intérêts de l'agrobusiness en Afrique

josiane rouiller j_rouiller at hotmail.com
Mar 16 Fév 10:47:05 CET 2016


Bonjour,
magnifique texte et renversant : après la colonisation-l'extraction des ressources-la guerre-voilà que nous retirons la terre aux populations du Sud; et nous qui parlons de souveraineté alimentaire en Suisse..... les prochains réfugiés seront ceux de la FAIM

nous marchons sur la tête,
Josiane Rouiller

To: mob-comsum at tourdelorraine.ch
From: contact at cetim.ch
Date: Mon, 15 Feb 2016 16:57:39 +0100
Subject: [mob-comsum] L'agence française de développement sert les intérêts de l'agrobusiness en Afrique


  

    
  
  
     L'agence française de développement sert les
      intérêts de l'agrobusiness en Afrique 
    https://www.mediapart.fr/journal/international/130216/lagence-francaise-de-developpement-sert-les-interets-de-lagrobusiness-en-afrique?utm_source=article_offert&utm_medium=email&utm_campaign=article_offert&xtor=EPR-1013

      

      13 février 2016 | Par Pascale
        Pascariello
    Lancée par le G8 en 2012, la NASAN, un programme qui prétend lutter
    contre la faim en Afrique subsaharienne, ouvre les marchés agricoles
    aux multinationales de l’agrobusiness dont Nestlé, Monsanto ou
    Danone. Via son agence de développement, la France finance, à
      hauteur de 67 millions d’euros, une entreprise kenyane basée dans
      un paradis fiscal.

      

    "NASAN" : Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et
    la nutrition. Derrière cet acronyme peu éloquent, une généreuse
    intention : sortir, d’ici 2022, 50 millions de personnes de la
    pauvreté en Afrique subsaharienne. Tel est le programme lancé il y a
    4 ans par les pays les plus riches du monde. Pour garantir leurs
    engagements financiers, ils se sont adressés aux multinationales de
    l’agro-alimentaire. Les États, avec en tête les États-Unis, l’Union
    européenne et la France, apportent près de 6 milliards d’euros. Les
    entreprises, parmi lesquelles Nestlé, Cargill, Dreyfus, Monsanto,
    participent, elles, à hauteur de 9 milliards.
    Le principe est simple : établir des partenariats entre États
      africains, pays du G8 et entreprises afin de soutenir le
      développement de l’agriculture, en apportant, par exemple, le
      matériel nécessaire ou les infrastructures manquantes. En Afrique,
      le modèle agricole, majoritairement familial, représente près de
      60 % de l’emploi en zone rurale et produit entre 60 % et 70 % de
      l’alimentation mondiale. C’est pourtant un autre modèle, celui
      d’une agriculture intensive et industrielle, que viennent exporter
      les pays du G8, alors même qu’il apporte moins de 30 % des
      produits agricoles. Cette incohérence n’a pas échappé à trois ONG
      – le Comité catholique contre la faim et pour le
      développement-Terre solidaire (CCFD), Oxfam et Action contre la
      faim –, qui se sont empressées d’étudier ce programme.

    

    Dans un rapport publié dès septembre 2014, ces associations
      soulèvent de nombreuses questions : comment se fait-il que le
      projet mené par le G8 ne concerne pas les pays d’Afrique les plus
      touchés par la faim, en particulier la Mauritanie, le Niger ou le
      Tchad ? Pourquoi, parmi les 277 entreprises de cette initiative,
      la majorité d'entre elles sont-elles des leaders du négoce des
      matières premières, comme Cargill ou Louis Dreyfus, spécialistes
      des pesticides et OGM comme Monsanto et non des entreprises
      expertes en production agricole ? Sur plus de 200 projets
      développés dans le cadre de ce programme, seuls 27 sont en faveur
      de la nutrition et de la sécurité alimentaire, les autres
      concernent ce que l’on appelle des cultures de rente (cacao,
      coton, caoutchouc…). Les bénéfices de ces cultures sont-ils
      réellement destinés aux populations africaines ?

    Maureen Jorand, en charge du plaidoyer et de la sécurité
      alimentaire au CCFD-Terre solidaire, s’est rendue en Côte d’Ivoire
      pour suivre la mise en œuvre du programme. Avec Francis Ngang,
      secrétaire général de l’Institut africain pour le développement
      économique et social (INADES), une ONG africaine, ils ont réalisé
      une étude sur ses impacts : « La Côte d’Ivoire est l’un des
        premiers pays de la nouvelle alliance en termes de financement
        des États membres du G8 et d’engagement de multinationales de
        l’agrobusiness. Sur le terrain, ce programme ne sert pas les
        intérêts des agriculteurs mais bien celui des multinationales.
      D’ailleurs, tout est fait par le G8 pour pousser les
        pays africains à “créer un environnement propice à
        l’investissement privé” dans le secteur agricole. » 

    Pour participer au dispositif du G8, les États africains doivent,
      en effet, engager des réformes visant la libéralisation des
      échanges, l’abaissement des barrières tarifaires et douanières et
      certaines mesures fiscales. Tout cela au profit d’entreprises
      internationales. En Côte d’Ivoire par exemple, le nouveau code de
      l’investissement accorde à certaines multinationales l’exonération
      de l’impôt sur les revenus pendant une période de 5 à 15 ans.
      Parmi les autres réformes qui sont en cours, l’une vise à
      autoriser l’arrivée de semences hybrides sur le marché ivoirien.
      Ce type de semences doit être renouvelé annuellement par
      l’agriculteur et donc racheté, chaque année, auprès de
      l’entreprise, créant ainsi un système de dépendance économique
      pour le paysan. Le G8 renforce donc les processus de privatisation
      et de concentration du secteur semencier au profit de groupes
      industriels comme Syngenta, Bayer ou Nestlé, qui se préparent déjà
      à occuper le futur marché ivoirien.

    La participation de la France à la NASAN, à hauteur de 754
      millions d’euros, la place parmi les trois premiers contributeurs
      du programme et le premier en Côte d’Ivoire où l’un des objectifs
      fixés par le G8 est de garantir l’autosuffisance en riz du pays.
      La Côte d’Ivoire importe près de 50 % du riz qu’elle consomme.
      Dans ce cadre, le pays a été divisé en quatre, chaque partie étant
      attribuée à une multinationale chargée de soutenir la production
      de riz.

    Dans la région d’Odienné, dans le nord-ouest du pays, c’est
      l’entreprise Export Trading Group (ETG) qui participe au
      développement de la riziculture. D’origine kenyane, cette
      multinationale est spécialisée dans le négoce des matières
      premières. En Côte d’Ivoire, la base des contrats qu’elle passe
      avec les paysans est la suivante : l’entreprise fournit semences,
      engrais, herbicides, machines. Elle récupère ses charges en nature
      sur une partie de la récolte lors de la moisson et s’engage à
      acheter le reste à un prix préfixé lors de la signature du
      contrat, permettant ainsi à l’agriculteur d’avoir la garantie de
      vendre facilement sa production.

    D’abord séduits par ces contrats, les agriculteurs ont, par
        la suite, bien vite déchanté. Deux villages, de 400 et de 1 000
        habitants, ont fait la difficile expérience de ce partenariat
        lancé par le G8. L’entreprise a livré des semences inadaptées
        aux sols ou a accumulé des retards lors de la fourniture des
        moyens de production. À Salonkourani, les agriculteurs ont
        alerté la multinationale sur les risques d’inondation et la
        nécessité de reporter la mise en culture des semences.
        L’entreprise a ignoré leur recommandation, garantissant que la
        nature de ses semences pouvait résister aux intempéries. Mais la
        pluie a tout saccagé et le village a perdu ses récoltes. ETG
        demande aujourd’hui aux paysans de rembourser une « dette » de 4
        millions de francs CFA, soit 6 000 euros. Cette dette recouvre
        les semences mais également le matériel, parfois livré en retard
        par l’entreprise, ainsi que des aides techniques dont les
        agriculteurs n’ont jamais vu la couleur.

      

    « Les machines sont arrivées trop en retard ou ne
        fonctionnaient pas mais la terre n’attend pas ! Les cycles de
        riz ont été perdus. Une catastrophe, pour nous. Et
        l’entreprise nous demande de payer pour les fautes qu’elle a
        commises. Imaginez qu’un paysan ne peut même pas gagner 100 000
        francs CFA [152 euros]. Alors 4 millions, c’est
        impensable pour nous », explique le chef du village,
      rencontré par Mediapart. À plus de 40 kilomètres de la ville et
      touché par la malnutrition, « le village pensait dire
        au revoir aux problèmes de famine, avec l’arrivée de ETG. Mais
        c’est le contraire, cette entreprise nous a plongés un peu plus
        dans la faim ».

    Dans le second village, les retards de l’entreprise ont causé des
      pertes de cycles de culture. Là encore, l’entreprise fait endosser
      aux agriculteurs les risques économiques induits par ses propres
      erreurs et leur demande de rembourser 14 millions de francs CFA,
      soit 21 000 euros. Les clauses du contrat sont abusives. Dans
      l’exemplaire que Mediapart a pu se procurer, on peut lire : « Le
        Promoteur [l’entreprise] s’engage à signifier au
        Producteur [l’agriculteur], s’il y a lieu, le
        non-respect de toute clause du présent contrat. » Avec cette
      clause léonine, la multinationale s’arroge tous les droits au
      détriment du paysan.

    

    Mais les agriculteurs étaient confiants. Comme nous l’explique
      Théodore, président d’une coopérative agricole de 55 membres : « Nous

        avons été trop crédules, peut-être, mais nous n’avons pas les
        moyens d’analyser ce qui se cache derrière les lignes de ces
        contrats. Nous n’avons pas de machines pour labourer. Nous
        faisons presque tout à la main. Nous en sommes encore à utiliser
        la houe ! Alors, comment pourrions-nous avoir un avocat pour
        déchiffrer ces contrats ? »

    Pourtant, les pays membres du G8 doivent veiller au bon
      déroulement des contrats passés entre entreprises et agriculteurs.
      En Côte d’Ivoire, aucun contrôle n’est fait ni par l’Union
      européenne, qui est le coordinateur du programme dans ce pays, ni
      par le gouvernement ivoirien. La situation est à l’image de cette
      initiative : opaque et incontrôlable.

    Les agriculteurs rencontrés font tous le même constat : ils se
      retrouvent seuls face aux représentants des multinationales. « Avec

        cette initiative, le G8 laisse le champ libre aux entreprises de
        faire ce qu’elles veulent, comme elles le veulent. Et aucun
        espace, permettant aux populations touchées de faire état des
        situations générées par ces investissements, n’a été mis en
        place par les pouvoirs publics », commente Maureen
      Jorand du CCFD. Isolés et accablés par l’ampleur des dettes qui
      leurs sont réclamées, les villageois se voient, dès lors, dans
      l’obligation de céder une partie de leurs terres, car comme leur a
      expliqué l’entreprise : « C’est la terre qui devra payer le
        crédit. » Cela s’apparente à un accaparement de terres.

    « Un accaparement de terres ne se résume pas à un achat massif
        direct de terres par une entreprise entraînant l’expulsion des
        populations locales. Les entreprises savent comment ce type de
        cas peut nuire à leur image et ont mis en place des stratégies
        moins directes pour avoir accès au foncier, mais tout aussi
        destructrices. Ici, compte tenu de la dette, les populations se
        retrouvent acculées à devoir céder l’usage de leurs terres.
        D’accord, l’entreprise ne l’achète pas et donc ne la possède pas
        directement, mais quand on voit le résultat, où est la
        différence ? La production issue de ces terres ira directement à
        l’entreprise et les villageois ne pourront pas en attendre un
        revenu foncier ou en nature, et ne pourront compter sur ces
        parcelles pour développer leur activité. Alors, oui, cela
        revient à s’accaparer des terres ! » dénonce Maureen
      Jorand du CCFD.

    

    

    

    Alors que ETG endette des agriculteurs et les contraint, in
        fine, à céder une partie de leurs terres, elle a bénéficié
      d’un prêt de 67 millions d’euros de l’Agence française de
      développement (AFD) via Proparco, sa filiale consacrée au
      secteur privé. Faut-il rappeler que la mission de l’Agence
      française, établissement public, est de « lutter contre la
        pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud »,
      pour reprendre ses propres termes. Ses ressources émanent de ses
      ministères de tutelle : le ministère des affaires étrangères, le
      ministère de l’économie et des finances et celui de l’outre-mer. 

    Voici ce que l’on peut lire sur le site de Proparco, filiale de
      l’Agence française de développement : Proparco doit « encourager

        les investissements privés dans les pays du Sud, en faveur de la
        croissance et du développement durable. Proparco est née d’une
        conviction : le secteur privé est un levier efficace pour
        atteindre des objectifs de développement économique et social.
        Il participe activement à la création d’emplois, de revenus, de
        biens et services essentiels pour les populations, ainsi qu’à la
        diffusion des bonnes pratiques environnementales et sociales ».
      Autre mission de Proparco : vérifier que les activités des
      entreprises, qui ont bénéficié d’un prêt, soient bien conformes,
      sur le terrain, au projet de développement et contrôler le
      parcours des financements octroyés.

    Et pourtant, la structure de ETG, financée par Proparco, est
      complexe. Avec 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires, cette
      multinationale a un siège en Tanzanie mais également à Singapour,
      paradis fiscal. L’une de ses filiales est à l’île Maurice, autre
      paradis fiscal où l’entreprise n’exerce aucune activité réelle.
      Passerelle pour les investissements entre l’Asie et l’Afrique,
      Maurice est régulièrement pointée du doigt pour son manque de
      coopération fiscale.     

    Interrogé par Mediapart sur le parcours de ces prêts et la
      filiale sans activité d'ETG basée à l’île Maurice, Amaury Mulliez,
      directeur général délégué de Proparco, a tout d’abord tenu à
      préciser que« les investissements qui se font en Afrique
        sont souvent organisés au travers de structures chapeaux qui
        peuvent se situer à Maurice ». « Nous avons d’ailleurs le
        même type d’organisation au sein de l’Union européenne puisque
        des pays, comme la Belgique, servent également de centres
        financiers pour les multinationales. » L’évasion fiscale n’a
      donc rien de condamnable pour le directeur général délégué de
      Proparco, chargé de soutenir des projets de développement…

    Amaury Mulliez explique ensuite que le prêt octroyé à ETG était
      destiné à des projets menés en Afrique de l’Est et non en Côte
      d’Ivoire. Donc, rien d’alarmant, selon lui, si ETG endette des
      paysans puisque cette zone n’est pas concernée par le prêt ! Las,
      même en Afrique de l’Est, le comportement de cette multinationale
      pose de sérieux problèmes. Selon Odile Conchou, chargée au sein de
      Proparco de veiller à la conduite des entreprises dans le domaine
      social et environnemental, « l’entreprise présentait
        des marges d’amélioration ». En effet, Proparco avait déjà
      relevé que les contrats passés par l’entreprise avec les
      agriculteurs soulevaient des questions sur l’accaparement de
      terres et présentaient un réel déséquilibre en terme de revenu au
      détriment des paysans.

    Pourtant, Proparco a tout de même décidé d’accorder 67 millions
      d’euros à cette multinationale. Une conception très particulière
      de l’aide au développement des pays du Sud et de la lutte contre
      la pauvreté…

    Mediapart a maintes fois demandé à Proparco le parcours du prêt
      octroyé. La première réponse, le 13 janvier, a été la suivante :
      « Liés tant par des clauses de confidentialité que le secret
        bancaire, il n’apparaît pas possible de vous transmettre plus
        d’informations. » Mais l’argument du secret bancaire n’a pas
      tenu longtemps et Proparco a avoué quelques jours plus tard, le 19
      janvier : «  S’agissant du financement de Proparco au
        projet, le contrat de financement a en effet été réalisé avec
        une entité du groupe ETG à Maurice. »

    Ce financement représente donc bien toute l’hypocrisie de l’aide
      française au développement qui finance, via des paradis
      fiscaux, une entreprise qui pratique l’accaparement de terres en
      Afrique.

    En Côte d’Ivoire, isolé, Francis Ngang, secrétaire général de
      INADES, ONG africaine, continue d’alerter les autorités de son
      pays sur les risques pour les agriculteurs : « Cette
        combinaison d’accaparement des terres, de privatisation des
        semences, d’usage de pesticides et d’OGM, avec l’ouverture du
        marché aux grandes entreprises étrangères, va conduire 90 %
        des petits paysans au chômage et à l’exode rural. Le problème de
        cette stratégie, c’est qu’elle place l’approvisionnement en
        nourriture entre les mains d’entreprises étrangères, alors qu’il
        s’agit non seulement d’un droit fondamental, mais aussi d’un
        élément de sécurité nationale. » 

    

    

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