[fessenheim-tn] Fwd: Les nomades du nucléaires

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Di Jul 29 11:24:12 CEST 2008


  Dimanche 27 juillet 2008
http://juralibertaire.over-blog.com/article-21533936.html
 "Les nomades du
nucléaire"<http://juralibertaire.over-blog.com/article-21533936.html>

*On les appelle les «nomades du nucléaire». Ils parcourent la France de
centrales en centrales pour effectuer les travaux de maintenance dans les
zones les plus radioactives. En quinze ans, leurs conditions de travail et
de vie se sont dégradées. Et les experts craignent pour le bilan sanitaire
des années à venir. Enquête sur ceux qui se surnomment «les esclaves du
nucléaire».*


«Le nucléaire ne m'intéresse plus, mais j'ai pas le choix. Faut bien gagner
sa vie.» Philippe Caens a 41 ans, dont 20 passés au chevet des centrales
nucléaires françaises. Électricien, il exerce son métier aux cotés des
agents EDF, dont il partage les difficultés. Mais pas le confortable statut.
Son employeur, la société Clemessy, est moins prodigue en avantages sociaux,
moins généreuse en salaire.

Désormais attaché à la centrale de Flamanville (Manche), Philippe a aussi
connu, pendant quatre ans, «les grands déplacements» à travers la France, de
centrales en centrales. De 40 à 60.000 kilomètres parcourus chaque année au
gré des arrêts de tranche, ces périodes où les réacteurs sont arrêtés pour
maintenance. «Je suis divorcé, comme la plupart de mes collègues.»

Comme Philippe, ils sont 22.000 en France, chaudronniers, électriciens,
soudeurs, robinetiers, employés par des sous-traitants. On les appelle les
«nomades du nucléaire». Beaucoup sont nés à proximité d'une centrale, dans
des régions où, comme le Nord, le chômage dépasse largement la moyenne
nationale. Ils connaissent par cœur les 58 réacteurs nucléaires français,
répartis dans 19 centrales. Des milliers de kilomètres de câbles et de
tuyaux à vérifier et à réparer dans les zones les plus radioactives.

Ces employés sont payés au Smic, auquel s'ajoutent les primes journalières,
de 54 à 60 euros pour couvrir les frais de logement et de nourriture. «On
essaie de faire de la marge sur les primes», raconte Philippe, qui avec ses
20 ans d'ancienneté, émarge à 10,50 euros de l'heure. Pour le logement, les
plus vieux ont pu investir dans une caravane ou un camping-car. D'autres
choisissent les hôtels bon marché, à plusieurs dans une chambre. Il y a
aussi la solution du gîte, «c'est le moins désagréable, mais en période de
vacances les prix explosent». Il y aussi ceux qui dorment dans leur voiture,
sur le parking de la centrale. «Ceux-là n'aiment pas trop en parler parce
qu'ils ont honte, confie Philippe. Je me souviens d'un arrêt de tranche où
le responsable des prestataires passait à 6 heures 30 le matin sur le
parking pour réveiller les gars.»

Autour des centrales, une petite économie locale s'est formée. Dans les
campagnes ont fleuri les gîtes, et le long des routes, les marchands de
kebab.

Au début des années 90, les sous-traitants assuraient 50% des activités de
maintenance des centrales nucléaires. Ce chiffre s'élève aujourd'hui à 80%.
Une dizaine de grands groupes se partagent le marché. Parmi eux, Vinci,
Areva, ou Suez. Ces multinationales disposent chacune de plusieurs dizaines
de filiales. Pour un seul arrêt de tranche, 30 à 70 sociétés différentes
sont amenées à coopérer. Cela représente plusieurs milliers de prestataires,
et jusqu'à cinquante conventions collectives différentes à gérer.*

La politique du moins disant

*La direction d'EDF affirme appliquer «la politique du "mieux disant"».
«Nous on dit que c'est au "moins disant", ironise Yves Adelin, ancien cadre
d'EDF, responsable CGT. En fait EDF fixe officieusement un prix. Aux
sociétés de proposer moins.»

Et quand le contrat d'une société n'est pas renouvelé, des salariés se
retrouvent sur le carreau. C'est ce qui s'est produit en février à la
centrale de Cruas (Ardèche). La société CIME qui employait 71 salariés a
perdu son contrat au profit de la société Essor. Cette dernière s'était
engagée à reprendre tous les employés. Mais au début du chantier, la
promesse n'est tenue que pour 45 d'entre eux. Le 14 février, installés dans
des caravanes devant l'entrée de la centrale, neuf prestataires ont entamé
une grève de la faim pour sauver leur emploi. Elle a duré dix jours. Ils ont
finalement obtenu gain de cause.

Pour chaque contrat, EDF paie au forfait. À la société sous-traitante de
gérer sa productivité, parfois à la limite de la légalité. Selon une enquête
réalisée par le Centre de recherche en gestion de l'école Polytechnique
publiée en 2004, «les glissements de planning et des imprévus nécessitent
des rattrapages qui peuvent se faire qu'en faisant passer la durée du
travail de 8 à 10 heures par jour, en décalant le travail de jour en travail
de nuit ainsi qu'en prolongeant le travail dans la semaine pendant le
week-end». Selon l'étude, 80% des prestataires interrogés en ont fait
l'expérience.

En 1990 un arrêt de tranche durait entre 2 à 3 mois. Aujourd'hui les plus
longs durent un mois et demi. «Pour les arrêts simples, certains battent des
records à 18 jours» précise Yves Adelin. EDF réplique : «La diminution de la
durée des arrêts s'inscrit dans le cadre d'une volonté d'améliorer la
disponibilité des centrales nucléaires d'EDF.»

Pour Yves Adelin, «en clair, 24 heures d'arrêt de tranche c'est une perte
d'un million d'euro pour EDF. Il y a 58 tranches par an en France. Faites le
calcul. Sur toute la France si vous gagnez une journée d'arrêt de tranche,
c'est 58 millions d'euros de gagné pour EDF. C'est pas des petites sommes.»*

«Rien n'est calculé pour nous»*

Marc Duboile, marié, un enfant, a 45 ans. Il est magasinier, salarié de la
société Techman. Il travaille depuis huit ans dans le nucléaire : «Rien
n'est calculé pour nous. On n'a pas toujours de place sur les parkings.
Souvent, le premier jour du contrat on attend des heures que nos
autorisations d'accès soient validées parce que pour plusieurs milliers de
gars, il n'y a que deux ou trois guichets mis à disposition. Et puis, vous
venez de faire 800 kilomètres depuis chez vous et on vous dit qu'il n'y a
pas de casiers prévus pour vous changer. Sans parler du matériel, on attend
encore des heures avant de pouvoir travailler parce que EDF ne nous donne
pas les outils.»

En 2006, l'inspecteur général pour la sûreté nucléaire et la
radioprotection, mandaté par EDF, alerte la direction : «J'ai été surpris,
écrit-il dans son rapport, en arrivant sur certains sites en début d'arrêt
de tranche de rencontrer des prestataires qui déploraient le manque
d'outillages en zone nucléaire. Les marchés nationaux existent, et je
m'interroge donc sur l'origine de cette carence qui donne dès le départ une
piètre idée de l'organisation logistique des sites.»

La direction d'EDF reconnaît qu'aujourd'hui encore «des difficultés
ponctuelles peuvent exister sur certains sites».*

Plus de 80% des prestataires veulent arrêter*

Depuis 1996, le centre de recherche en gestion de l'école Polytechnique
effectue, à la demande d'EDF, une enquête annuelle sur le moral des nomades
du nucléaire. Ces enquêtes sont confidentielles. Une seule a été présentée
aux syndicats, en 2005. Elle établissait que 84% des prestataires interrogés
souhaitaient quitter l'industrie du nucléaire. La direction d'EDF confirme
ce chiffre, mais s'en défend : «D'autres études montrent au contraire un
fort taux de satisfaction de la part des entreprises prestataires du secteur
nucléaire. Mais lorsque l'on demande de consulter ces enquêtes, la direction
est gênée : "Elles ne sont malheureusement pas destinées à un usage
externe."»

En 1993, 18% de ces «intermittents du nucléaire» présentaient une
symptomatologie dépressive. En 1998 ils étaient 25%. Autre symptôme
inquiétant, en 2003, la mutuelle de la centrale de Paluel (Seine-Maritime)
remarquait que 80% des feuilles d'assurance-maladie traitées prescrivaient
des calmants.

«Pour les prestataires, c'est une souffrance sociale, observe Yves Adelin.
Ils ont le sentiment d'être dévalorisés par rapport aux agents EDF. Pour les
agents EDF c'est une souffrance psychologique. Ils ont honte de ce que fait
subir la direction aux sous-traitants.»*

«On est là où ça crache»*

À ces conditions de travail s'ajoute un autre problème majeur, sanitaire
cette fois : l'exposition aux rayons radioactifs.

Le 4 décembre 1990, le conseil de l'Union européenne adopte la directive
Euratom qui impose de diminuer la dose toxique reçue par les travailleurs du
nucléaire, de 5 rems par an à 2 rems par an. Seulement quelques mois plus
tard, en 1991, EDF publie le «Rapport NOC». Ses auteurs préconisent de
«généraliser la sous-traitance à toutes les activités qui peuvent l'être».
Simple coïncidence ? La direction d'EDF affirme qu'«il n'y a aucun lien».

Pour Yves Adelin, de la CGT, «EDF avait tout intérêt à sous-traiter les
postes les plus exposés. L'entreprise se dédouanait de sa responsabilité par
rapport aux pathologies médicales à long terme.»

Les prestataires du nucléaire reçoivent 80% de la dose collective
d'irradiation subie dans l'industrie française du secteur. Cette dose est
contrôlée sur chaque prestataire grâce à un film et à un badge dosimétriques
qu'ils portent sur eux. Quand la limite est atteinte, c'est «la mise au
vert», c'est-à-dire le chômage, en attendant que la dose redescende. «Alors
pour garder leur boulot, il arrive que des gars dissimulent leur film et
leur badge quand ils sont dans des zones où ça crache» confie Philippe
Caens.

L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) effectue régulièrement des inspections
dans les centrales, «mais le suivi des doses dépend de l'employeur. À chaque
société de contrôler ses salariés», explique Evangelia Petit, de l'ASN.

«La loi impose aux employeurs de fournir une attestation d'exposition à
leurs salariés, précise Michel Lallier, membre du Conseil supérieur de la
sûreté et de l'information nucléaires. Le problème c'est que les
prestataires changent constamment de centrale et de société, du coup il y a
une énorme confusion sur qui doit délivrer ces attestations. On s'aperçoit
aujourd'hui que la plupart des gars qui partent à la retraite n'ont pas
d'attestation sur la dose toxique qu'ils ont reçue durant leur carrière.
Dans 10 ou 15 ans, quand les premiers cancers apparaîtront, ces employés ne
pourront pas faire reconnaître leur pathologie en maladie professionnelle.»

À ce jour, aucune étude n'a été réalisée en France sur les risques
cancérologiques qu'encourent les prestataires du nucléaire. «Je crains le
pire, affirme Michel Lallier. Il n'est pas improbable qu'on se retrouve dans
quelques années face à un problème comparable à celui de l'amiante.» L'amiante
a tué près d'un millier d'agents EDF. 5000 sont contaminés.

 Alexandra Colineau

Association des journalistes de l'information sociale
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