[fessenheim-tn] Tr : les esclaves du nucleaire : les sous-traitants

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Mo Jul 28 12:37:05 CEST 2008





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Envoyé le : Lundi, 28 Juillet 2008, 0h31mn 29s
Objet : les esclaves du nucleaire : les sous-traitants


Dimanche 27 juillet 2008 
http://juralibertaire.over-blog.com/article-21533936.html
"Les nomades du nucléaire" 


On les appelle les «nomades du nucléaire». Ils parcourent la France de centrales en centrales pour effectuer les travaux de maintenance dans les zones les plus radioactives. En quinze ans, leurs conditions de travail et de vie se sont dégradées. Et les experts craignent pour le bilan sanitaire des années à venir. Enquête sur ceux qui se surnomment «les esclaves du nucléaire». 
«Le nucléaire ne mintéresse plus, mais jai pas le choix. Faut bien gagner sa vie.» Philippe Caens a 41 ans, dont 20 passés au chevet des centrales nucléaires françaises. Électricien, il exerce son métier aux cotés des agents EDF, dont il partage les difficultés. Mais pas le confortable statut. Son employeur, la société Clemessy, est moins prodigue en avantages sociaux, moins généreuse en salaire.

Désormais attaché à la centrale de Flamanville (Manche), Philippe a aussi connu, pendant quatre ans, «les grands déplacements» à travers la France, de centrales en centrales. De 40 à 60.000 kilomètres parcourus chaque année au gré des arrêts de tranche, ces périodes où les réacteurs sont arrêtés pour maintenance. «Je suis divorcé, comme la plupart de mes collègues.»

Comme Philippe, ils sont 22.000 en France, chaudronniers, électriciens, soudeurs, robinetiers, employés par des sous-traitants. On les appelle les «nomades du nucléaire». Beaucoup sont nés à proximité dune centrale, dans des régions où, comme le Nord, le chômage dépasse largement la moyenne nationale. Ils connaissent par cur les 58 réacteurs nucléaires français, répartis dans 19 centrales. Des milliers de kilomètres de câbles et de tuyaux à vérifier et à réparer dans les zones les plus radioactives.

Ces employés sont payés au Smic, auquel sajoutent les primes journalières, de 54 à 60 euros pour couvrir les frais de logement et de nourriture. «On essaie de faire de la marge sur les primes», raconte Philippe, qui avec ses 20 ans dancienneté, émarge à 10,50 euros de lheure. Pour le logement, les plus vieux ont pu investir dans une caravane ou un camping-car. Dautres choisissent les hôtels bon marché, à plusieurs dans une chambre. Il y a aussi la solution du gîte, «cest le moins désagréable, mais en période de vacances les prix explosent». Il y aussi ceux qui dorment dans leur voiture, sur le parking de la centrale. «Ceux-là naiment pas trop en parler parce quils ont honte, confie Philippe. Je me souviens dun arrêt de tranche où le responsable des prestataires passait à 6 heures 30 le matin sur le parking pour réveiller les gars.»

Autour des centrales, une petite économie locale sest formée. Dans les campagnes ont fleuri les gîtes, et le long des routes, les marchands de kebab.

Au début des années 90, les sous-traitants assuraient 50% des activités de maintenance des centrales nucléaires. Ce chiffre sélève aujourdhui à 80%. Une dizaine de grands groupes se partagent le marché. Parmi eux, Vinci, Areva, ou Suez. Ces multinationales disposent chacune de plusieurs dizaines de filiales. Pour un seul arrêt de tranche, 30 à 70 sociétés différentes sont amenées à coopérer. Cela représente plusieurs milliers de prestataires, et jusquà cinquante conventions collectives différentes à gérer.

La politique du moins disant

La direction dEDF affirme appliquer «la politique du mieux disant». «Nous on dit que cest au moins disant, ironise Yves Adelin, ancien cadre dEDF, responsable CGT. En fait EDF fixe officieusement un prix. Aux sociétés de proposer moins.»

Et quand le contrat dune société nest pas renouvelé, des salariés se retrouvent sur le carreau. Cest ce qui sest produit en février à la centrale de Cruas (Ardèche). La société CIME qui employait 71 salariés a perdu son contrat au profit de la société Essor. Cette dernière sétait engagée à reprendre tous les employés. Mais au début du chantier, la promesse nest tenue que pour 45 dentre eux. Le 14 février, installés dans des caravanes devant lentrée de la centrale, neuf prestataires ont entamé une grève de la faim pour sauver leur emploi. Elle a duré dix jours. Ils ont finalement obtenu gain de cause.

Pour chaque contrat, EDF paie au forfait. À la société sous-traitante de gérer sa productivité, parfois à la limite de la légalité. Selon une enquête réalisée par le Centre de recherche en gestion de lécole Polytechnique publiée en 2004, «les glissements de planning et des imprévus nécessitent des rattrapages qui peuvent se faire quen faisant passer la durée du travail de 8 à 10 heures par jour, en décalant le travail de jour en travail de nuit ainsi quen prolongeant le travail dans la semaine pendant le week-end». Selon létude, 80% des prestataires interrogés en ont fait lexpérience.

En 1990 un arrêt de tranche durait entre 2 à 3 mois. Aujourdhui les plus longs durent un mois et demi. «Pour les arrêts simples, certains battent des records à 18 jours» précise Yves Adelin. EDF réplique : «La diminution de la durée des arrêts sinscrit dans le cadre dune volonté daméliorer la disponibilité des centrales nucléaires dEDF.»

Pour Yves Adelin, «en clair, 24 heures darrêt de tranche cest une perte dun million deuro pour EDF. Il y a 58 tranches par an en France. Faites le calcul. Sur toute la France si vous gagnez une journée darrêt de tranche, cest 58 millions deuros de gagné pour EDF. Cest pas des petites sommes.»

«Rien nest calculé pour nous»

Marc Duboile, marié, un enfant, a 45 ans. Il est magasinier, salarié de la société Techman. Il travaille depuis huit ans dans le nucléaire : «Rien nest calculé pour nous. On na pas toujours de place sur les parkings. Souvent, le premier jour du contrat on attend des heures que nos autorisations daccès soient validées parce que pour plusieurs milliers de gars, il ny a que deux ou trois guichets mis à disposition. Et puis, vous venez de faire 800 kilomètres depuis chez vous et on vous dit quil ny a pas de casiers prévus pour vous changer. Sans parler du matériel, on attend encore des heures avant de pouvoir travailler parce que EDF ne nous donne pas les outils.»

En 2006, linspecteur général pour la sûreté nucléaire et la radioprotection, mandaté par EDF, alerte la direction : «Jai été surpris, écrit-il dans son rapport, en arrivant sur certains sites en début darrêt de tranche de rencontrer des prestataires qui déploraient le manque doutillages en zone nucléaire. Les marchés nationaux existent, et je minterroge donc sur lorigine de cette carence qui donne dès le départ une piètre idée de lorganisation logistique des sites.»

La direction dEDF reconnaît quaujourdhui encore «des difficultés ponctuelles peuvent exister sur certains sites».

Plus de 80% des prestataires veulent arrêter

Depuis 1996, le centre de recherche en gestion de lécole Polytechnique effectue, à la demande dEDF, une enquête annuelle sur le moral des nomades du nucléaire. Ces enquêtes sont confidentielles. Une seule a été présentée aux syndicats, en 2005. Elle établissait que 84% des prestataires interrogés souhaitaient quitter lindustrie du nucléaire. La direction dEDF confirme ce chiffre, mais sen défend : «Dautres études montrent au contraire un fort taux de satisfaction de la part des entreprises prestataires du secteur nucléaire. Mais lorsque lon demande de consulter ces enquêtes, la direction est gênée : Elles ne sont malheureusement pas destinées à un usage externe.»

En 1993, 18% de ces «intermittents du nucléaire» présentaient une symptomatologie dépressive. En 1998 ils étaient 25%. Autre symptôme inquiétant, en 2003, la mutuelle de la centrale de Paluel (Seine-Maritime) remarquait que 80% des feuilles dassurance-maladie traitées prescrivaient des calmants.

«Pour les prestataires, cest une souffrance sociale, observe Yves Adelin. Ils ont le sentiment dêtre dévalorisés par rapport aux agents EDF. Pour les agents EDF cest une souffrance psychologique. Ils ont honte de ce que fait subir la direction aux sous-traitants.»

«On est là où ça crache»

À ces conditions de travail sajoute un autre problème majeur, sanitaire cette fois : lexposition aux rayons radioactifs.

Le 4 décembre 1990, le conseil de lUnion européenne adopte la directive Euratom qui impose de diminuer la dose toxique reçue par les travailleurs du nucléaire, de 5 rems par an à 2 rems par an. Seulement quelques mois plus tard, en 1991, EDF publie le «Rapport NOC». Ses auteurs préconisent de «généraliser la sous-traitance à toutes les activités qui peuvent lêtre». Simple coïncidence ? La direction dEDF affirme qu«il ny a aucun lien».

Pour Yves Adelin, de la CGT, «EDF avait tout intérêt à sous-traiter les postes les plus exposés. Lentreprise se dédouanait de sa responsabilité par rapport aux pathologies médicales à long terme.»

Les prestataires du nucléaire reçoivent 80% de la dose collective dirradiation subie dans lindustrie française du secteur. Cette dose est contrôlée sur chaque prestataire grâce à un film et à un badge dosimétriques quils portent sur eux. Quand la limite est atteinte, cest «la mise au vert», cest-à-dire le chômage, en attendant que la dose redescende. «Alors pour garder leur boulot, il arrive que des gars dissimulent leur film et leur badge quand ils sont dans des zones où ça crache» confie Philippe Caens.

LAutorité de Sûreté Nucléaire (ASN) effectue régulièrement des inspections dans les centrales, «mais le suivi des doses dépend de lemployeur. À chaque société de contrôler ses salariés», explique Evangelia Petit, de lASN.

«La loi impose aux employeurs de fournir une attestation dexposition à leurs salariés, précise Michel Lallier, membre du Conseil supérieur de la sûreté et de linformation nucléaires. Le problème cest que les prestataires changent constamment de centrale et de société, du coup il y a une énorme confusion sur qui doit délivrer ces attestations. On saperçoit aujourdhui que la plupart des gars qui partent à la retraite nont pas dattestation sur la dose toxique quils ont reçue durant leur carrière. Dans 10 ou 15 ans, quand les premiers cancers apparaîtront, ces employés ne pourront pas faire reconnaître leur pathologie en maladie professionnelle.»

À ce jour, aucune étude na été réalisée en France sur les risques cancérologiques quencourent les prestataires du nucléaire. «Je crains le pire, affirme Michel Lallier. Il nest pas improbable quon se retrouve dans quelques années face à un problème comparable à celui de lamiante.» Lamiante a tué près dun millier dagents EDF. 5000 sont contaminés.


Alexandra Colineau

Association des journalistes de linformation sociale


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