[fessenheim-tn] - Le Monde - 03 mars 2005 : Analyse Ecol ogisme radical et décroissance

schwartz arnaud schwartz_a at yahoo.com
Mo Mär 14 14:20:47 CET 2005


Bonjour,

Pour en savoir plus, par exemple au sujet des
rencontres de Montbrison, contactez-moi.

à bientôt,
Arnaud


- Le Monde - 03 mars 2005 : Analyse Ecologisme radical
et décroissance

La démocratie est-elle compatible avec l'écologisme
radical ? Alors que celui-ci connaît un renouveau à la
fois théorique, par la critique du productivisme, et
militant, avec la contestation des organismes
génétiquement modifiés, de la publicité, de la
télévision, de l'industrie nucléaire, de l'automobile,
etc. , cette question est à nouveau posée par les
écologistes eux-mêmes.

Le débat trouve ses racines dans la pensée de Hans
Jonas, philosophe allemand disparu en 1993, dont la
pensée est l'une des principales inspiratrices de
l'écologie. Face au danger auquel le développement de
la technique expose l'humanité, il relevait dans son
maître ouvrage, Le Principe responsabilité
(Flammarion, 1998) : "Il faut prendre des mesures
que l'intérêt individuel ne s'impose pas spontanément
et qui peuvent difficilement faire l'objet d'une
décision dans le processus démocratique."
Le débat est revivifié par le retour d'une vision
catastrophiste dans la pensée écologiste, inspirée en
partie des réflexions du philosophe Jean-Pierre Dupuy
(Pour un catastrophisme éclairé, Seuil, 2002). Elle a
occupé un séminaire roboratif rassemblant à Montbrison
(Loire), en février, près de 90 intellectuels, Verts,
alternatifs, membres d'Attac ou des Amis de la Terre,
autour du thème "Antiproductivisme, décroissance et
démocratie".
Ainsi, s'appuyant sur la théorie dite du pic de
Hubbert, selon laquelle la production mondiale de
pétrole atteindra très prochainement un maximum en
raison de la diminution des réserves accessibles à bon
prix, Yves Cochet, député (Verts) de Paris, décrit le
scénario d'une crise profonde provoquée
par une augmentation brutale du prix de l'énergie
entraînant l'écroulement des systèmes de transport :
l'aviation civile s'effondrerait, l'habitat
rural serait désorganisé (en raison de sa dépendance à
l'égard de l'automobile), etc. La crise
s'accompagnerait d'un chômage massif et de guerres
violentes pour le contrôle du pétrole du Moyen-Orient.
Dès lors, le député envisage trois hypothèses : le
chaos et la barbarie ; une dictature
des pays riches se protégeant à tout prix ; une
société de sobriété passant par le rationnement.

Sans suivre unanimement la prophétie de M. Cochet, les
écologistes radicaux postulent la survenance d'une
crise écologique d'une intensité sans précédent. Pour
la prévenir, ils affirment la nécessité d'une rupture
avec le système économique dominant, qui repose sur la
croissance.

LIEN SOCIAL
Ils dénoncent également l'idéologie du développement
durable, qui prétend concilier développement
économique et protection de l'environnement. Le
développement durable ne serait qu'un faux-semblant,
le manteau environnemental d'un libéralisme qui ne
voudrait rien changer. Les écologistes radicaux
s'attaquent ainsi au dogme central de la gauche :
l'indissociabilité du progrès social et de la
croissance économique.
Mais si crise grave il y a, et si le seul moyen de la
prévenir est d'adopter des mesures de rationnement et
de décroissance, comment le faire sans recourir aux
solutions dictatoriales, "léninistes", que récusent
des écologistes qui ont toujours refusé l'idéologie
marxiste ? Une première réponse a été apportée par
Geneviève Azam, économiste à l'université de
Toulouse : évoquant les travaux du philosophe
Cornélius Castoriadis sur la formation de la
démocratie dans la Grèce antique, elle a relevé que
celle-ci peut se renforcer par la confrontation à la
tragédie.

"La démocratie est notre arme suprême ", dit Mme Azam,
pour qui les conditions de son bon exercice supposent
d'assumer la finitude de la planète, de rouvrir
l'imagination pour expliquer que le monde fini n'est
pas un monde fermé, de réanimer le sens de la
tragédie, qui impose des choix décisifs.

Une autre façon d'aborder le problème a été de relever
que la démocratie est déjà mal en point en raison des
puissances qui contribuent au désastre
écologique. Selon Serge Latouche, de l'université
Paris-Sud, "le pouvoir n'est plus exercé par le
politique, mais par l'instance occulte des firmes
multinationales ". Par ailleurs, note Stéphane
Lavignotte, de l'association Vélorution, "l'enjeu est
de savoir si la société fait assez communauté pour
se mettre d'accord. Mais quelle est la force du lien
social quand la société est à ce point inégalitaire ?"

Le constat est incontournable, même pour ceux qui ne
rentrent pas dans une logique catastrophiste. Alain
Caillé, animateur du mouvement anti-utilitariste
incarné dans la Revue du MAUSS, relève ainsi : "Il est
évident que l'idéal démocratique est en panne à
l'échelle mondiale. La dynamique actuelle du
capitalisme pousse au "parcellarisme", à l'éclatement
du sens collectif."

La question que pose l'écologie radicale est donc
essentiellement politique : si l'on veut éviter les
solutions autoritaires aux crises, il faut
revitaliser la démocratie. Cela passe par
l'articulation du social à l'écologie, de la
solidarité à la diminution des consommations
matérielles.
"Moins de biens, plus de liens", "Ne pas construire la
société que la catastrophe va nous imposer, mais la
société que l'on veut", "Ne pas seulement faire moins,
mais faire autrement", "Lutter contre les inégalités
en instaurant un revenu maximal" sont les idées
synthétisant cette démarche où les crises écologique
et sociale ne sont pas pensées comme opposées, mais
intrinsèquement liées.

Alain Caillé, ouvrant en forme de provocation une
perspective "social-démocrate universalisée", propose
une alliance "entre ceux qui ont le souci de la
planète, ceux qui veulent reconquérir la démocratie,
et ceux qui aspirent à refonder une base éthique
minimale".

Il y a dans ces questionnements les matériaux d'une
plate-forme sur laquelle pourrait se rebâtir une
gauche qui manque singulièrement d'idées sur la
société qu'elle prétend transformer. A la condition
d'accepter la radicalité que posent  les
"décroissants", ces partisans de la décroissance. Et
de se référer davantage au philosophe Ivan Illich qu'à
Karl Marx.

Hervé Kempf


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