[fessenheim-fr] frz. Physiker fordert Stilllegung
klausjschramm at t-online.de
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Fr Feb 15 18:18:41 CET 2013
Fessenheim : un physicien de l´Ecole polytechnique demande la
fermeture
Physicien nucléaire, professeur à Polytechnique pendant 35 ans, Jean-
Louis Basdevant a formé toute une génération d´ingénieurs du
nucléaire. Dans cette interview, il affirme qu´"arrêter Fessenheim
relève d´un devoir moral".
Jean-Louis Basdevant - 15 février 2013
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Jean-Louis Basdevant a enseigné la physique nucléaire à l´Ecole
polytechnique jusqu´en 2005.
Pourquoi estimez-vous que Fessenheim doit absolument être fermée ?
Jean-Louis Basdevant - La fermeture de Fessenheim est l´exemple de ce
que doit être une décision politique sage. Il s´agit de
l´installation nucléaire la plus ancienne du parc français (le
général de Gaulle avait voulu y implanter un réacteur graphite-gaz,
le président Pompidou avait décidé d´inaugurer là la filière à eau
pressurisée, plus moderne et performante).
De ce fait, elle détient le record de minceur de radier : un mètre,
comparé à trois à Fukushima et six dans les EPR et deux dans les
centrales françaises plus récentes. Son ancienneté fait craindre une
fragilité et tous ces éléments concordent à y favoriser le risque
d´un accident avec fusion du coeur.
À l´issue de sa troisième visite décennale, le 4 juillet 2011, l´ASN
a donné un avis technique favorable à la prolongation du réacteur 1
pour dix ans, avec les conditions expresses de 1) renforcer le radier
du réacteur avant le 30 juin 2013, afin d´augmenter sa résistance au
corium en cas d´accident grave avec percement de la cuve, et 2)
installer avant le 31 décembre 2012 des dispositions techniques de
secours permettant d´évacuer durablement la puissance résiduelle en
cas de perte de la source froide. À ce jour, aucune proposition
acceptable n´a été faite par EDF.
La centrale de Fessenheim est située sur une faille en zone sismique
(l´implantation la plus dangereuse de France à cet égard). Elle
s´alimente en eau froide dans le grand canal d´Alsace, qui la
surplombe de 9 mètres, toute perturbation grave de ce canal (chute
d´avion) risquerait de noyer la centrale.
Elle est, tout comme une autre, exposée au risque d´un "accident
normal des systèmes complexes", c´est là un concept introduit après
Three Mile Island par l´Américain Charles Perrow dans son livre
Normal Accidents : Living With High Risk Technologies, Princeton,1984
(réédité en 1999) [1].
Dans un système complexe, un accident grave peut provenir de la
conjonction inattendue et imprévisible de défaillances élémentaires,
anodines en elles-mêmes. Three Mile Island en donne un exemple,
Charles Perrow a pu étendre cette idée à de nombreuses situations de
la technologie moderne : accidents chimiques, catastrophes aériennes,
etc.
Un accident nucléaire à Fessenheim aurait des conséquences plus que
dramatiques. Elle est située à l´aplomb de la plus grande nappe
phréatique de France, d´une capacité de 35 milliards de mètres cubes
sur sa partie alsacienne, qui se prolonge en Allemagne. Et, pour
corser le tout, elle est également à l´aplomb de la vallée du Rhin
qui, entre Bâle et Rotterdam, est la région la plus peuplée, active,
industrielle de l´Europe.
Cela signifie qu´en cas d´accident avec fusion partielle du coeur,
une
fois la dalle percée, le Rhin serait contaminé, jusqu´à Rotterdam. Un
accident nucléaire grave y serait une catastrophe dramatique pour
toute l´Europe, un coup de poignard qui anéantirait la vie dans cette
région pendant plus de 300 ans.
Arrêter Fessenheim est, pour moi, une application du principe de
précaution, tant évoqué, qui relève d´un devoir moral vis-à-vis des
habitants de l´Europe.
Selon vous, quels sont les problèmes qui concernent les centrales
nucléaires françaises ?
Le principal problème des centrales nucléaires françaises est que
parce qu´elles sont essentiellement du même type que les centrales
japonaises et que les centrales américaines, y compris celle de Three
Mile Island, elles présentent le même risque de fusion du coeur et de
ses conséquences contre lesquelles on est sans défense à l´heure
actuelle.
La fusion du coeur et ses conséquences catastrophiques est,
j´insiste,
un problème qui se pose pour pratiquement toutes les centrales
électronucléaires au monde.
Ce type d´accident menace donc la totalité actuelle du parc français,
notamment les réacteurs de Fessenheim. Or un seul accident de ce
genre serait une tragédie pour notre pays. Les recommandations faites
par l´Agence de Sûreté Nucléaire (ASN) à la suite de Fukushima sont
de nature à améliorer la sûreté de ces réacteurs, sans toutefois
éliminer le risque.
Mais j´ai le regret de ne pas voir, à l´heure actuelle, le moindre
signe de mise en conformité des réacteurs par EDF, ni de mise en
place "à partir de 2012, d´une "force d´action rapide nucléaire"
nationale [...] qui devrait être totalement opérationnelle fin 2014".
J´évoquerai plus loin le cas du "renforcement de la dalle de béton"
sous les radiers.
Il existe, dans ce que l´on appelle la génération 4 des réacteurs
nucléaires, des réacteurs plus "sûrs" qui, par construction, ne
peuvent pas subir ce type d´accident. [...] En tout état de cause, on
estime que la durée de la phase de recherche et développement [pour
leur] mise au point, avant une véritable industrialisation (très
coûteuse) serait d´environ 50 ans. Les centrales "sûres" seront peut-
être la bonne solution au XXIIe siècle... mais ce ne sera plus notre
affaire.
Votre remise en cause du nucléaire est-elle exceptionnelle dans votre
milieu ? Avez-vous un message à adresser à la communauté
scientifique, et en particulier aux ingénieurs nucléaires ?
Il serait exagéré de ma part de dire que j´ai un message à adresser.
Je m´exprime librement et ne fais qu´apporter ma contribution
personnelle à une oeuvre qui comporte de très nombreux acteurs.
Je ne suis certainement pas le seul dans mon milieu professionnel à
remettre en cause le nucléaire civil. Je communique avec de nombreux
collègues, de spécialités diverses, tous de grande compétence.
J´ai fait plusieurs conférences, dans le grand public comme dans les
milieux scientifiques. J´ai toujours été écouté très courtoisement.
Bien entendu, j´ai rencontré beaucoup de gens qui n´étaient pas de
mon avis, et c´est parfaitement normal. Certains amis très proches
sont en désaccord avec moi mais nos échanges sont toujours, pour moi,
très stimulants.
Un argument évident, qui n´a rien à voir avec la physique nucléaire
ou la technique, est celui de l´avenir énergétique, fût-il de notre
pays, de l´Europe ou du monde, compte tenu de ce que nous savons de
l´état de l´économie, et la question de la transition énergétique
tant prônée. On se trouve, comme souvent dans la vie, devant de
difficiles problèmes de choix. Ces choix sont de nature politique et
je ne puis en parler qu´en amateur et apporter des informations.
Propos recueillis par Charlotte Mijeon
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